Depuis quelques semaines, la réforme du gouvernement d’Emmanuel Macron, qui consiste à mettre en place une sélection pour l’université; fait polémique. Pourquoi ? Tout simplement parce que les lycéens, qui jusque-là étaient assurés de pouvoir au moins continuer leurs études supérieurs à l’université voient leur avenir compromis. Et malgré ce que je pense des agissements de certains (les grèves qui empêchent des étudiants d’autres filières de travailler), je peux comprendre ce mécontentement.
En effet, quand j’ai commencé à l’université, mon dossier du lycée n’était pas très bon, disons-le. Je ne savais pas quoi faire de ma vie, j’avais 10 de moyenne, j’ai déjà redoublé. Un candidat parfait pour l’université. Sauf que la sélection n’existait pas à la fac. Alors oui, la licence que j’ai intégré était limité à 100 places, mais les candidats sélectionnés étaient tirés au sort. Puis, au final il n’y avait pas tant d’inscrit que ça.
Si j’avais postulé à l’université cette année – imaginons que je serai encore au lycée; j’aurais pu être refusé d’entrée à l’université. Donc je peux comprendre pourquoi cette future loi, qui constitue un frein pour certains, ne plaît pas à beaucoup. Depuis, je suis en Master et je m’en sors bien. Je n’ai jamais redoublé à l’université. Donc au final, je n’aurais pas été avantagé pour la sélection mais je m’en sors mieux à l’université, pourtant.
Le problème, ce n’est pas la sélection qui va l’arranger. C’est tout simplement certaines filières à l’université qui ne permettent pas un avenir dans la vie professionnelle. C’est aussi simple que ça ! Quoi qu’il en soit, cette réforme fait déjà des ravages, et ce notamment à partir du lycée. En effet, un prof explique ce qui a changé depuis la mise en place de la réforme. Visiblement, elle ne lui plaît pas.
Ce soir, j’ai un peu honte de mon métier de prof.
Mon premier conseil de classe nouvelle mouture après réforme macroniste du système d’orientation vient d’avoir lieu, et ce qu’on nous demande d’y faire est juste abject
Il faut donc – puisque toutes les filières sont sélectives, désormais – que nous remplissions pour chaque élève à destination des écoles et des universités une « fiche avenir », qui consiste à établir
a) La « cohérence du projet avec les qualités personnelles » → il est donc désormais officiellement établi que l’évaluation n’est plus celle d’un travail mais de « qualités personnelles », soit d’individus.
b) Le « degré de motivation » → qu’est-on censés en savoir ? Le métier de professeur implique-t-il de sonder les cœurs et les reins ?
c) Les « chances de réussite » → qui risquent d’être hautes si on en préjuge comme ça dès le Lycée ! Notre société ne comporte sans doute pas déjà tant de sélection, de reproduction sociale et de classisme qu’il faille en surajouter. Puis cela est bien connu : jamais on n’a vu d’adolescents de dix-sept ans ne sachant trop encore où aller, qui après le bac se soient découverts et réinventés de façons imprévues.
Et attendez, ce n’est pas tout !
L’on se retrouve alors face à des situations surréalistes, où il est tranquillement attendu des professeurs que nous nous perdions en spéculations personnelles idiotes à propos des jeunes qui nous sont confiés et de leur projet de vie. Ainsi ai-je entendu : « Oh, une très belle cohérence dans les vœux de X ! » ; « En revanche Y demande une prépa vétérinaire, de l’histoire de l’art et de la sociologie… c’est très dispersé tout ça, on sent une certaine hésitation, il faudrait une résolution plus ferme ! »
Pour peu, l’on croirait des critiques d’art en train de mâchonner leurs réserves et de sous-peser leurs louanges sur la « belle cohérence » de machin ou sur la « ferme résolution » de bidule. Sauf qu’il ne s’agit pas d’agiter nos vanités devant des tableaux, mais d’ouvrir ou de fermer des portes à des mômes.
Et face à cela, passées quelques velléités d’indignation vite rabattues, j’ai passé l’essentiel du temps à me taire.
Que penser de tout ça ? Dis-moi en tout cas ce que toi, tu en penses dans la section des commentaires. On peut constater que cette réforme va assez loin en tout cas.